Jean-Marc Monchalin

Salut public

On imagine qu’au  moment de baptiser  le groupe, ils ont  hésité : Comité  de Salut public,  trop historique,  Comité des Fêtes,  pas assez distinctif.  Alors, ils l’ont appelé  Le Comité, tout  court. Jean-Marc  Monchalin est leur  porte-voix. 

Par Michel C.Thomas
Portrait paru dans le Jounal du parc N°21 – Printemps été 2015

Coudées franches sur la table, barbe rousse, casquette noire, regard clair, devant soi un café, ou un verre de blanc quand c’est l’heure du vin, Jean-Marc Monchalin roule une cigarette : « Je ne devrais pas. Si j’ai trop fumé dans la journée, à la fin du concert j’ai la voix en croix. » Il l’allume quand même. Un nuage bleuté devant la bouche, il dit qu’il veut bien parler un peu de lui, mais c’est le groupe qui  compte, Le Comité. Avant de commencer,  il faut citer les noms des autres citoyens,  démocratiquement, par ordre alphabétique  : François Blanc, basse et guitare  acoustique ; Medhi Boragno, batterie ;  François Breugnot, violon, saxophone  soprano, mandoline, etc ; Arnaud Cance,  chant, cajon ; Cyril Roche, accordéons,  thérémin, stylophone, triangle, etc [1]. Sans oublier les techniciens : Jean-Philippe  Juge et Emmanuel Vaure.

Une musique très souple

Jean-Marc Monchalin est le chanteur en  titre. « Je suis aussi un petit percussionniste  », ajoute-t-il modestement, trop  modestement selon tous ceux qui l’ont  vu manier le pandeiro, ce tambourin  brésilien. Il est thiernois, “bitord”,  d’origine. « Mon père chantait tout le  temps, en s’accompagnant à la guitare,  je chantais avec lui. Mes parents m’ont  inscrit à l’école de musique, mais ça  ne m’a pas plu. Je n’ai même pas appris  le solfège et le regrette aujourd’hui. »  Enfant, il voulait être vulcanologue ou  bien travailler en forêt, « pourvu que ce  soit un métier de plein air… » Bac en  poche, il tâtonne, intègre sans trop de  conviction une école d’ingénieurs à  Saint-Étienne, tente math-physique à  Clermont-Ferrand, puis psychologie  sociale. La musique ne le lâche pas. Il fait  en ce temps-là les rencontres que l’on  peut faire si l’on prend le temps, après les  cours (mais non, pas pendant), d’aller au  bistrot, écouter des chansons et danser.  En bande, ils écoutent de préférence du  raggamuffin, une variante du reggae, en  plus saccadé, plus cru, plus endiablé. Dès  le début des années 80, le raggamuffin  fait entendre sa voix, volontiers protestataire,  bien au-delà de sa terre natale, la  Jamaïque. « C’est une musique très  souple et qui, de plus, ne demande pas  une extraordinaire virtuosité. »

Une langue qui sonne bien

Voilà pour la rencontre musicale, quant  aux paroles… « J’ai découvert les  Faboulos Trobadors et Massilia  SoundSystem, je me suis demandé :  mais en quelle langue chantent-ils ? Et  j’ai compris que c’était la langue que  j’entendais parfois dans les rues de  Thiers, ou dans les villages, mais que  l’on ne parlait pas dans ma famille :  l’occitan. C’est une langue qui sonne  bien, c’est la langue des paysans et,  d’une certaine manière, elle est un peu  l’équivalent du créole de Bob Marley. »  La comparaison est osée, quoique…  Certains prétendent que les chansons des  troubadours, ceux du XIIe siècle, de la  fine amor, de l’amour courtois, ont pérégriné,  au fil du temps, jusqu’en Amérique  latine et aux îles caraïbes. Et elles sont  peut-être revenues, transfigurées, méconnaissables,  dans les bagages du raggamuffin.  L’hypothèse n’est pas seulement  poétique, des érudits affirment détenir  des preuves.  L’étudiant semble avoir trouvé sa voix. Il  apprend l’occitan. Avec quelques amis de  même tempérament, il crée le groupe  Joglar’vern. « Nous avons commencé à  jouer dans les bistrots et assez vite, sans  aucun projet de carrière, nous avons  acquis un peu de notoriété. » Quelques  années plus tard, Joglar’vern croise un  autre groupe régional, La Fabrique, qui  navigue dans les mêmes eaux. Les deux  sont dissous puis recomposés pour  former Le Comité. Un premier album,  Comment faire ?, édité en mai 2008. Un  second, Chut !, en novembre 2010 [2].  Enregistrés sous le label, coopératif et  solidaire, Sirventés. Mis dans les bacs chez  tous les bons disquaires par l’Autre  Distribution. Si à l’écoute de L’amor dins  la cosina, du Dub dau Cornau ou de  Ronlola, il ne vous vient pas des démangeaisons  dans les jambes, une envie de  danser, vérifiez l’état de vos membres  inférieurs.

 Quelque chose  de vivant

Le groupe est dans la lignée d’un Chabrier qui inventait une Bourrée fantasque, très  fantasque et peu soucieuse de la tradition.  « Oui, outre nos propres compositions,  nous puisons dans le répertoire traditionnel,  mais sans folklore. Les mélodies  sont tordues dans tous les sens, triturées,  malaxées pour en faire quelque chose  de vivant, d’actuel, d’universel aussi. »  L’usage de l’occitan ne risque-t-il pas de  ramener au particulier ? « Mais vous  écoutez bien des chansons anglo-saxonnes  sans forcément comprendre l’anglais. À  un moment, vous savez que cet air-là, ce  refrain est fait pour vous et vous  l’aimez. Du reste, nous chantons aussi  en français, en brésilien. Je ne suis pas,  nous ne sommes pas dans l’engagement,  la revendication. L’occitan est une langue  parmi d’autres, comme toute langue elle  exprime et porte une culture. Elle raconte  la vie de tous les jours, les joies et les  peines. On a bien le droit de la faire  vivre en chansons. C’est aussi une forme  de recyclage. »  Le Comité a déjà fait danser à Thiers et à  Montpellier, à Carcassonne et à Marseille.  Il sera cet été à Montluçon, à Béziers, à  Ruynes-en-Margeride, à Parthenay. Il sera  où on le réclamera. En attendant, citoyens  du Comité, le public vous salue bien, il  espère vous voir, vous entendre, prochainement,  sur les scènes d’ici.

[1] Il faut aussi citer les invités du deuxième album : Laurent Cavalié, Arnaud Chèze, Gérard Costet, Jagdish Kinoo,  Riquet Marvis et Stéphane Moulin.

[2] Le Comité a notamment bénéficié d’une aide du Conseil général du Puy-de-Dôme, du Conseil régional d’Auvergne et, pour le premier album, de Clermont Communauté.

Queus de…*

Queus de Chanat, paura  dròlla, son daus renards.
Queus d’Olbet, paura dròlla,  son daus coquins.
Nosautres chançonaires  Ò non valem pas gaire.
Et nosautres bitòrds  Chanterem pas pus fòrt.
Queus de Volvic, paura  dròlla, beuvon dau vin.
Queus de Clarmont beuvon  pas pro.
Queus de Gerzat, paura  dròlla, fumon tabac.
E queues d’Orlhac craman  ganjà.

* En VO (version occitane).  Extrait de l’album Chut !, emprunté  au répertoire traditionnel  et très librement arrangé.